UN
CALENDRIER MONACAL OU LA LIGNE DU TEMPS DE LA MARCHE DE L'EGLISE
Nous voici maintenant en présence d’une frise
chronologique qui court du début de l'ère chrétienne
jusqu'au temps présent (à savoir le XIIe
siècle : c'est le temps de la pérégrination.
C'est à dire le temps de “l'Eglise en marche”
: 13 personnages, debout, le visage presque de trois-quart profil, progressent vers
le Christ. Ils sont guidés en tête de cortège par trois personnages de plus grande taille,
représentés presque de face : en tête des élus,
Marie, la mère de Jésus, suivie de saint Pierre (1),
fondateur de l'Eglise et détenteur de la clé du paradis
et enfin Dadon, l'ermite à l'origine de la fondation du sanctuaire
de Conques (cf. la chronique de l'abbaye).
Tous trois sont largement baignés par d'amples ondes divines qui symbolisent l'Esprit Saint. Vient
ensuite la procession de dix personnages de taille décroissante
au fur et à mesure que l'on remonte dans le temps, comme selon
les lois de la perspective, donnant une perception tangible de la dimension
temporelle. Ces personnages avancent vers le Christ sous la conduite de l'Abbé
de Conques reconnaissable à sa crosse pastorale. Pivot central
du calendrier, il matérialise le temps présent et la permanence de sa fonction.
Tous ces peronnages emblématiques soigneusement choisis incarnent des jalons révélateurs de l'Histoire du Salut. Ils en sont les acteurs majeurs : on reconnait facilement la Vierge, saint Pierre et Charlemagne.
Mais qui donc est cette femme (voilée comme il se doit) tout au bout à notre gauche qui se tient recroquevillée, presque accroupie, toute menue, la dernière à l'extrémité de la file et qui semble partir à l'envers ? C'est Marie de Magdala. On la reconnait à ses genoux fléchis, dans une attitude recroquevillée souvent représentée à l'époque romane (comme à Saulieu ou à Autun), et à sa position retournée : elle a les pieds tournés vers l'arrière de la procession, mais son visage se retourne vers le Christ. C'est une allusion à son “retournement”. Avec
Marie, la “femme forte”, ce sont
donc deux femmes, témoins directs du Christ ressuscité,
qui encadrent la procession. (Cela nous dit quelque chose sur la place que les Bénédictins du XIIe s. reconnaissaient aux femmes dans l'Eglise...)
Il suffit de dater chaque personnage de cette frise, pour voir apparaître
un calendrier historiographique (structure en miroir centrée sur le temps présent) qui marque les grandes étapes spirituelles de l'ère chrétienne :
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Marie de
M. |
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|
|
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l'Abbé |
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Marie |
Date
|
JC |
303 |
356 |
400 |
|
800 |
XIIe s. |
750 |
64 |
JC |
|
Présent |
 |
Les
quatre premiers temps de L'Église primitive sont
représentés par quatre petits personnages auréolés
constituant une typologie allégorique qui décompose le temps
des premiers siècles paléochrétiens en quatre périodes
:
- celle des disciples (Marie de Magdala, “apôtre
des apôtres”, “Confesseur de la Foi”. Cliquez sur les liens suivants pour en savoir plus sur le retournement,
sur le culte, les reliques, les tapisseries de Marie de Magdala à Conques, et enfin sur la méprise injuste dont elle est encore victime de nos jours) ;
- celle des martyrs (sainte Foy, martyrisée en 303, représentée
avec sa palme. Consultez les rubriques pour en savoir plus sur son sacerdoce et sa liturgie
à Conques) ;
- celle
des anachorètes (saint Antoine le Grand, ermite du désert égyptien, mort en 356) ;
- et enfin celle des Pères de L'Église
(saint Jérôme, mort en 420, Père de l'Eglise désigné
par son phylactère selon Bouillet).
C'est donc l'âge de l'Eglise primitive, qui va de saint Jean à l'empereur byzantin Zéon, mort en 491. Il correspond grosso modo à l'antiquité chrétienne de 0 à 500.
Puis vient le temps de Charlemagne, empereur qui parvient à reconstituer l'empire romain d'occident. La dynastie
carolingienne est représentée par Charles le Grand,
sacré empereur à Rome le jour de noël de l'an 800.
Porteur du sceptre et de la couronne, il est probablement encadré
par son fils, Louis 1er dit le Pieux, roi d'Aquitaine
puis Empereur d'Occident et par Guillaume de Gellone dit Court nez,
petit-fils de Charles Martel, donc cousin germain de Charlemagne. Cette
triade de puissants héros guerriers peut surprendre dans la cohorte
des élus. Au-delà de leur soumission à l'Eglise,
leur présence mythique répond à une intention délibérée
qui s'inscrit dans le contexte à la fois politique et littéraire
de la construction du tympan et que nous exposons à la rubrique
du mythe carolingien. (sous-rubriques
Charlemagne, Guillaume
de Gellone, Louis
le Pieux, mythologie...)
Le groupe est précédé par deux clercs qui symbolisent la présence
de l'Eglise, en particulier à travers les ordres monastiques, tel
celui de saint Benoît auquel appartenait notre abbaye. Le premier
moine présente, posé sur un tissu, un Evangéliaire,
reconnaissable à sa reliure. Le second porte les Tables
de la Loi manifestant ainsi la continuité entre l'Ancien
et le Nouveau Testament, jalons essentiels du chemin vers le Salut.
(En lire plus sur la représentation de la Torah
et de la Bonne Nouvelle). Enfin, l'abbé,
allégorie de tous les abbés de Conques (passés,
présents et à venir), mais aussi de tous les bénédictins voire
de tous les ordres réguliers. Cet Abbé guide Charlemagne dont il tient la main. C'est le pivot
central de la cohorte.(2) Nous sommes dans l'époque du "Diable enchaîné" qui coïncide avec le millénaire médiéval des historiens de la fin du Ve siècle à celle du XVe.
Devant lui, trois personnages
fondamentaux, magnifiés par leur taille, représentent Dadon, le fondateur
de Conques, saint Pierre, fondateur de toute l'Église, vêtu du pallium et qui tient la clé
du paradis (3) et enfin Marie, mère de Jésus et Mère de l'Eglise (depuis saint Ambroise).
On notera une structure spatio-temporelle strictement inverse de celle
de l'Ancien Testament à l'étage inférieur.
Dans les Limbes, le personnage central, Abraham, père des Elus,
marque les temps les plus reculés, et de part et d'autre, les personnages
sont classés du plus ancien au plus récent au fur et à
mesure qu'ils s'éloignent du patriarche premier. Aux deux extrémités,
Marie de Magdala d'un côté, Ezéchiel de l'autre, occupent
une position charnière qui assure la transition vers le temps du christianisme.
En revanche, dans la procession des temps nouveaux, l'axe central, situé
à l'aplomb d'Abraham, est occupé par le Père Abbé
de Conques qui incarne le temps présent.
Les autres personnages sont classés chronologiquement mais dans
une symétrie inverse, du plus récent au plus ancien vers
la droite comme vers la gauche, et l'on retrouve, à chaque extrémité,
d'un côté Marie de Magdala et de l'autre la Vierge Marie.(4)
(Haut de la page)
SUFFRAGES* ET PURGATOIRE*
Marie, “Mère de
l'Eglise”, “advocata nostra”, est représentée
mains jointes, les doigts effleurant les ondes
de la mandorle de son fils. En position d'orante,
elle intercède manifestement auprès
de son fils.
Et pour qui, sinon pour les morts, en faveur de la délivrance des
éprouvés des Tartares* ?
Cette intercession montre bien qu'il ne s'agit pas d'un Enfer
définitif avec ses pécheurs damnés pour l'éternité.
Si c'était le cas, à quoi pourrait bien servir cette prière
? (Elle serait bien inutile en effet pour les damnés irrémédiablement
condamnés à l'enfer éternel et superflue pour les
saints et élus déjà sauvés. Elle ne peut s'adresser
qu'aux pécheurs redimables, les "âmes du Purgatoire".)
Le développement du culte marial a bien sûr
pour corollaires la naissance du Purgatoire*, et la théorie
des suffrages* des saints.
La Vierge Marie orante : elle intercède auprès
de son fils en faveur des éprouvés du Tartare. ©
Tous les élus placés dans les Demeures
paradisiaques sont loin d'être tous irréprochables.
Plus de la moitié d'entre eux ne porte d'ailleurs pas d'auréole
!
(5) Le paradis
n'est sont donc pas réservé aux seuls saints, bienheureux
ou martyres...
Sans parler de Marie de Magdala, qui à nos yeux, ne saurait être confondue avec la “pécheresse” anonyme
(6),
on trouve parmi eux un renégat (saint Pierre),
un matricide (l'ermite Dadon) (7), et
même un intempérant incestueux (8)
notoire (Charlemagne) ! Certains sont loin d'être des saints, et
cependant ils sont tous sauvés, parce qu’ils ont
cru. Ces pécheurs ont soit bénéficié
de la grâce lors de leur jugement particulier* (à l'instar du Bon Larron), soit ont déjà
été restaurés*, justifiés*, par le feu purgatoire.
On notera la distance qui sépare le texte (théorique) des
illustrations (la réalité concrète) : en effet, trouver
parmi les chastes (CASTI) et les pacifiques (PACIFICI)
un personnage tel que Charlemagne peut laisser songeur... Pourtant, les
Bénédictins du XIIe s. ne doutent pas que ce
roi franc soit à sa place au paradis pour sa piété
et sa loyauté envers l'Eglise.
Si les inscriptions rappellent la Loi et sa sévérité,
les images gravées dans la pierre et la rétine du pèlerin
illustrent une réalité différente, où la grâce
accomplit la miséricorde : cette grâce elle-même est
visible, matérialisée par les ondes célestes qui
baignent la procession des élus.
Cette cohorte progresse sous la protection de toits
formés par les phylactères portés par les anges : ces phylactères portent comme inscription des vertus théologiales qui les inspirent. (en savoir plus sur ce toit vertueux)
(Haut
de la page)
L'ECOINCON DE SAINTE
FOY

Sainte
Foy effleurée par la main de Dieu
Survolez l'image pour identifier les signes symboliques
Cet
espace "cunéiforme" est consacré à la fillette
martyre dont le culte, le pèlerinage
et la dévotion portée aux reliques
jouent un rôle essentiel dans la notoriété de Conques
plusieurs siècles avant de l'érection du tympan.
Nous avons résumé au chapitre
précédent les quatre sens d’interprétation
de cet écoinçon d'une grande densité sémiologique.
Tous les grands thèmes du tympan sont ici condensés sous
forme allégorique : la continuité des Ecritures, la foi,
le salut, le sacerdoce, l'Eglise.
-
Par sa position placée entre les registres de l'Ancien et
du Nouveau Testament, il assure la
continuité des temps vétéro- et
néotestamentaires. Sa juxtaposition avec l'écoinçon de la résurrection des Elus, souligne le lien de cause à effet entre la foi et le Salut.
- Par sa forme, il suggère que la foi constitue
la pierre angulaire du Salut.
- Les fers suspendus aux arcades évoquent les miracles de
la sainte réputée pour libérer les prisonniers.
La sémantique est claire : la foi sauve ! Au sens mystique, comme au sens littéral : en effet, une partie des offrandes versées par les pèlerins servait à payer les rançons des captifs. Les chaînes des prisonniers offertes en ex-voto ont servi à
forger les grilles du chœur et sont toujours visibles de nos
jours. Le rappel de la libération des captifs n'est pas anodin
dans la problématique du Salut : en effet,
le purgatoire n'est-il pas en somme une histoire de libération
?
- L'allusion
au sacerdoce est particulièrement appuyée
par de nombreux signes : l'autel et son calice (qui rappelle la
continuité du sacrifice depuis Melchisédech jusqu'au
prêtre contemporain célébrant l'Eucharistie),
sont les plus évidents. Mais plusieurs symboles renvoient
aussi au sacerdoce céleste qu'a
reçu la sainte elle-même : le trône
vide et les marches de l'autel sur
lesquelles elle s'agenouille. (en lire plus sur le sacerdoce
de sainte Foy)
- Les trois arches qui, non seulement matérialisent la basilique
de Conques, mais aussi représentent l'Eglise toute entière
et bien plus, résument le christianisme dans son ensemble.
(voir le décodage de la symbolique des trois
arches)
- Les ondes divines symbolisent l'Esprit. Leur forme (tout comme leur nom), évoque l'eau baptismale, l'eau purificatrice. (9)
Elles réaparaissent ici, exactement comme elles ont baigné la marche de l'Eglise et les anges du cortège impérial jau registre médian. |

Grilles du chœur de l'abbatiale de Conques,
forgées avec les fers des prisonniers libérés
par sainte Foy (un peu aidée par les moines qui payaient
les rançons), et offerts en ex-voto.
|
-
La prosternation de sainte Foy se repliant sur elle-même
devant la main de Dieu, traduit la concentration de l’être
devant le Jugement. C'est une manifestation implicite de la conscience
de soi qui émerge au XIIe s.
L'autel, le calice, les fers et le trône
vide. Survolez l'image pour afficher
les légendes
|
LE COURONNEMENT
DE SAINTE FOY
Une autre scène rend hommage à sainte Foy. C'est celui de
son couronnement, car à l'instar de la Vierge
Marie, sainte Foy a reçu un couronnement céleste.
Ce couronnement est une autre manifestation de son
investiture sacerdotale, en tant que martyre qui a versé son sang,
à l'image du Christ. Cette intronisation se fait à titre
posthume, au Ciel.
On note deux représentations du couronnement
de sainte Foy à Conques : une au tympan (ci-dessous à
gauche) et une autre (à droite)
sur le bas-relief qui orne la tombe de Bégon, abbé de la
fin du XIe s. (10)
Couronnement céleste de sainte Foy : l'ange porte au ciel la
couronne (détail du tympan) Cliquez
ici pour afficher un zoom |
Le couronnement
de sainte Foy, enfeu de Bégon. En
haut à droite, on remarque la fillette martyre qui lève la main droite
en signe de foi tandis qu'un ange pose la couronne sacerdotale
sur la tête. (Survolez l'image pour visualiser le couronnement) |
UN CULTE POPULAIRE
Le culte de sainte Foy, étroitement associé à celui de Marie de Magdala, occupe un rôle fondamental à l'abbatiale
de Conques qui lui est dédiée, au même titre qu'au
Saint Sauveur et qu'à saint Pierre.
Sainte Foy représente justement la conception miséricordieuse
du Salut comme l'atteste l’anecdote relatée dans le Livre
des Miracles de sainte Foy rédigé par Bernard d’Angers
vers 1010 : ce docte écolâtre se disait outré par
la coutume populaire et profane qui mêlait au pieux office des veilles,
des « lais champêtres, (…) des cris aigus
et sauvages, (…) des complaintes ineptes et futiles et
d’autres frivolités (…) absurdes et intolérables ».
Pour faire cesser ces pratiques vulgaires jugées incongrues,
les moines iront jusqu’à clore les portes de l’abbaye
aux indésirables. C’est alors qu’intervient la facétieuse
fillette, en faveur des bruyants fidèles écartés
: elle leur ouvre miraculeusement les portes ! Touchée par la ferveur
des humbles, elle répond favorablement aux suppliques des pèlerins
bannis.
Faisant alors, comme à l'accoutumée, retour sur lui-même,
Bernard d’Angers tire de l’intervention de la sainte une leçon
de théologie sur le caractère miséricordieux du Salut
: « Dieu tolère ces pratiques et les agrée pour
l’intention religieuse qui les inspire et par condescendance. Dieu
est un père compatissant, plein de pitié pour la faiblesse
de ses enfants ; il connaît la fragilité de leur nature ;
loin de rechercher dans l’homme ce qui peut le condamner, il s’efforce
de découvrir dans le cœur du pécheur la racine du salut.
» (Livre premier des miracles de sainte Foy, chapitre XII).
Cette histoire souligne que la relation entre la
Foi est le Salut est essentielle dans la théologie monastique romane
et permet de mieux comprendre la présence de pécheurs notoires
dans les Demeures angéliques*. (11)
UNE EGLISE EN MARCHE
Cette Eglise en marche représente le présent : pour manifester qu'elle est bien ancrée sur Terre, ici et maintenant, elle progresse sur un sol que l'on a pris soin de représenter, doublant le linteau de séparation des registres. La
procession s'avance sur la voie royale qui mène au Christ : elle
manifeste résolument la fonction sacerdotale, rythmée
par le jeu des bâtons pastoraux
de saint Pierre (12),
de l'Ermite Dadon (au bâton en forme de “T”), de l'Abbé
et de saint Antoine.
Le jeu des bâtons pastoraux (survolez
l'image pour identifier les personnages)
|
Saint Pierre mérite une mention
particulière. L'apôtre Simon, fondateur de l'Eglise est le
guide spirituel de la communauté des fidèles. C'est à
lui qu'est d'abord consacrée l'église abbatiale de Conques.
Par ses écrits, notamment ses deux épîtres, il semble
avoir directement inspiré le concepteur du tympan. Nous relevons
plus d'une dizaine de correspondances étroites entre le livre
de pierre et le texte de Pierre. (en
savoir plus)
Tout, dans la Cité de Dieu, converge
vers le thème du Salut*. Tout
y fait sens : les personnages, les signes, l'ordre et la construction
géométrique.
Ainsi le registre du Nouveau Testament est clairement encadré par les quatre catégories traditionnelles de saints médiévaux : les Vierges avec la sainte Vierge, les apôtres avec saint Pierre placés aux côtés du Christ, les martyrs, avec sainte Foy et les Confesseurs (13), avec sainte Marie de Magdala à l'autre extrémité.
Autre exemple, les lignes brisées des toits des arcades hiérosolymitaines et celles des phylactères
des anges protègent ; les arches soutiennent et relient ; les lignes horizontales, verticales et obliques indiquent des directions, le sens de l'histoire ou les
correspondances ; les coins assurent les transitions...
Rien n'est livré au hasard, jusqu'aux proportions
accordées aux personnages et à la surface consacrée
à la Cité de Dieu, visiblement
supérieure à celle des Tartares. Si bien qu'on peut se demander
comme le fait Jacques Le Goff en conclusion de son ouvrage sur le Purgatoire
« si l'élément moteur du système [du
Salut] n’a pas été le paradis » ? (14)
Passons
maintenant du côté des Tartares.
Chapitre
suivant : 5) Les Tartares
(1)
Saint Pierre joue un rôle fondamental
dans l'inspiration théologique du tympan qui semble s'appuyer littéralement
sur ses deux épîtres. En savoir plus. (Remonter au texte)
(2) Cet abbé, qui tient sa crosse d'une main et Charlemagne de l'autre, est identifié par Yves Christe comme étant saint Gilles, l'ermite devenu abbé bénédictin et qui avait absous Charles Martel de son péché d'inceste. (cf. Jugements derniers, Zodiaque, 1999, p. 181). L'hypothèse est plausible d'autant plus que la tradition populaire confondait souvent Charles Martel et son petit-fils Charlemagne, non moins incestueux. Mais nous préférons voir ici une allégorie générale représentant tous les abbés bénédictins, en premier lieu celui de Conques, qui exercent un rôle modérateur sinon directeur envers les puissants. (remonter)
(3) Matthieu relate la primauté de Pierre, choisi par Jésus à Césarée de Philippe pour fonder son Eglise : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux : ce que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié... » (Mt. 16 : 18-19). Le pallium qu'il revêt est l'ornement sacerdotal chrétien réservé aux Papes et aux Primats
(cf. illustration supra). (remonter au texte)
(4)
On notera au passage que la colonne de l'Eglise en marche est encadrée,
à ses deux extrémités par des femmes : Marie de Magdala, l'Eve Nouvelle (en savoir plus),
inaugure d'un côté
la procession que la Vierge Marie conduit
de l'autre. Ce
calendrier monacal fait écho à un autre calendrier que nous
pourrions appeler eschatologique. En ces temps
de rupture, il jalonne l'histoire messianique, expliquant la progression
par étapes, du temps de la Loi de Moïse à celui de la Foi
pour aboutir à la “Fin
des Temps”. Ce calendrier distingue 7 périodes
successives d'environ mille ans : d’Adam à Noé, de
Noé à Abraham, d’Abraham à Moïse, de Moïse
à Jean Baptiste, de Jean Baptiste à l'empereur Zénon, de Zénon
à Charlemagne, et enfin de Charlemagne au temps présent qui annonce
l'Apocalypse et la Parousie. Selon saint Augustin, ces sept âges de l'Histoire correspondraient aux
sept jours de la Création.
Comme le calendrier hébraïque détermine à 6
000 ans la durée du monde répartie sur les sept jours en
partant de 0 pour Adam, la “fin du monde” selon la
gématrie kabbalistique est prévue pour l’an 2240 du
calendrier chrétien. Selon la même méthode de la numérologie,
le nombre de 2240 donne le chiffre 8 (2+2+4+0) qui correspondrait au huitième
Jour, celui qui n’aura pas de fin, celui de la vie éternelle.
(Coïncidence a posteriori, le dernier mot de l’admonition
finale des inscriptions, FUTURUM, se termine par une lettre onciale, un
« M »
ressemblant à un 8 couché, qui évoque le signe pourtant
plus récent de l'infini... voir
une illustration). De
quoi alimenter les spéculations plus ou moins ésotériques
des "millénaristes" !
(remonter au texte)
(5)
Parmi les 7 personnages situés entre saint Pierre et saint Jérôme
(à savoir : Dadon, l'abbé, Guillaume, Charlemagne, Louis
le Pieux, et les 2 moines), aucun n'est porteur du nimbe de la sainteté.
Tout pécheurs qu'ils sont, leur foi les sauve, à l'instar du bon larron. (Lc 23 : 43) (Remonter
au texte)
(6)
Voir la rubrique consacrée à Marie
de Magdala, à son retournement et à son message mystique.
Le « retournement » de Marie-Madeleine symbolise
le retournement du regard du monde païen sur le Messie. Au-delà
du retournement des mœurs, c'est le retournement des lois de la nature
: la vision du corps charnel transformé en corps glorieux.
(Remonter au texte)
(7)
Dadon, seigneur de Conques, dépossédé de son château
par les Sarrasins, refuse d'échanger son cheval de guerre contre
la libération de sa mère prise en otage. Pris de remords,
après le départ des Sarrasins, il se fait ermite et reconstruit
les oratoires détruits. Cela
se passait un siècle avant la translation des reliques de sainte
Foy à Conques. (voir la chronique
de l'abbaye)
(Remonter au
texte)
(8)
On sait que la première vertu de Charlemagne n'était pas
la fidélité et on lui connait plusieurs épouses ou
concubines (Himiltrude, Désirée de Lombardie, Hildegarde
de Vintzgau, Fastrade de Franconie, Liutgarde d’Alémanie,
Gerwinde de Saxe, Maldegarde, Regina et Adelinde). La tradition rapporte
également une relation incestueuse avec sa sœur Gisèle.
Cela n'empêchera pas sa canonisation par l'antipape Pascal III,
en 1165, soit quelques temps après la création du tympan.
(Remonter
au texte)
(9) Le thème de l'eau purificatrice renvoie aux Ecritures : "Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai". Ez 36 : 25-26.
(Remonter au texte)
(10)
L'enfeu de Bégon est encastré dans le mur extérieur
sud de l'abbatiale, du côté du cloître.
(Remonter
au texte)
(11)
Les Écritures associent le Salut à la foi : “Va,
ta foi t'a sauvé” (Mc 10 : 52 ou Lc 7 :
50) et “Vous obtiendrez le salut de vos âmes pour prix
de votre foi”, (1 Pi 1 : 9). (Remonter
au texte)
(12)
Perpendiculaires au sol, les bâtons de l'abbé et de Dadon
suivent la direction verticale de la Croix, l'axe de la manifestation
transcendantale du divin. Mais deux d'entre eux sont obliques, suivant
la fameuse “diagonale de la grâce”
: celui de saint Antoine qui sut résister à ses célèbres
tentations et celui de saint Pierre qui pointe directement sur la serrure
de la porte du paradis dont il détient la clef.
(Remonter au texte)
(13) Voir la rubrique consacrée à Marie de Magdala, Confesseur de la foi et Apôtre des Apôtres. (Remonter au texte)
(14)
« Au moment de terminer ce livre, une inquiétude me saisit.
Mon propos a été de suggérer que dans ce système [de l’Au-delà] la place maîtresse fut l’élément
intermédiaire, éphémère, fragile et pourtant
essentiel, le Purgatoire, qui s’est fait sa place entre le Paradis
et l’Enfer.
Mais, est-ce la vérité du système ?
Ne pourrait-on se demander si l’élément moteur, organisateur
n’a pas été ce paradis, qui a si peu suscité
l’intérêt des historiens et qui, si je consulte mon
dossier, ne paraît pas si fade et monotone qu’on le dit. »
(Jacques Le Goff, La naissance du Purgatoire, Folio Histoire,
éd. 2002, p. 484). (Remonter
au texte)
Chapitre
suivant : 5) Les Tartares
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