Chapitre 8 : les signes du temps |
EN DIRECT DU XIIe
S.
Le clergé roman voulait faire comprendre que le Salut, comme la pénitence,
s’accomplissent dans le temps présent. Aussi cette "Bible de pierre", véritable bande dessinée, porte les marques de
l’actualité. Nous y lisons l'écho des évènements
politiques majeurs, mais aussi celui des Institutions, des mœurs, de l’état
social et économique, voire de la mode vestimentaire de l’époque,
ainsi que le reflet de sa culture profane et sacrée. Nous avons déjà
souligné les références à la réforme
grégorienne des années 1073-1085 (lutte contre les prêtres
mariés, la simonie et l'Empereur), mais il y a d'autres échos
du contexte politique.
C’est ainsi, par exemple que
la montée au paradis de Charlemagne, correspond au souci
des Capétiens de légitimer leur succession, tandis que la mise
au Tartare des Empereurs Germaniques saliens Henri IV et Henri
V, tous deux excommuniés, évoque la Querelle
des Investitures et leur éviction par la dynastie nouvelle
des Hohenstaufen, avec l’élection de Conrad III
comme roi des Romains en 1136. (En savoir plus sur l'implication de Conques
dans cette succession dynastique).
L'élément le plus troublant a été révélé suite aux prélèvements que les Monuments Historiques ont fait analyser récemment afin de reconstituer la polychromie d'origine voir chapitre suivant). On constate la coloration du manteau de Charlemagne en bleu, couleur inconcevable avant le XIIe siècle pour les rois, et couleur désormais rattachée au céleste et à la Vierge Marie (1). Cette exception est à mettre en relation avec la canonisation de Charlemagne en 1165 par l'antipape Pascal III, à l'instigation du premier Hohenstaufen couronné empereur germanique, Frédéric de Hohenstaufen "Barberousse", neveu de Conrad III. Comme il semble bien que cette polychromie soit celle d'origine, cela pencherait en faveur d'une création tardive du tympan, peut-être durant le dernier quart du XIIe siècle, précisément à l'époque où le Purgatoire est inventé. Ainsi, un tympan imaginé au début du XIIe s. comme un arc de triomphe annonçant une parousie* imminente à l'occasion de la prise de Jérusalem, mais réalisé et achevé bien plus tard, peut-être après 1177 et la soumission de Barberousse au pape, serait devenu l'arc de triomphe d'une Eglise affirmant sa prééminence sur le pouvoir politique.
LES MARQUES DE LA FEODALITE
Le jumelage du pouvoir spirituel avec
le pouvoir temporel est justement représenté du côté des Elus par les trois tandems vertueux de Moïse et Aaron, des prêtres-rois Zacharie et Melchisédech, enfin de Charlemagne conduit par l’abbé. Il correspond au pacte d’amitié du « pariage » féodal. Il comporte bien entendu un corollaire démoniaque
: l’appariement bestial de l’homme avec le cheval,
le lièvre, le serpent ou le crapaud, au plus
profond des Tartares.
Survolez l'image pour visualiser
les détails. Lire un complément sur le bestiaire du Tartare |
Le Chevalier est représenté avec sa cotte de maille et son cheval. Ayant failli
à l’honneur chevaleresque, il chute dans le Tartare* où il rejoint
les maudits de la nouvelle société marchande et financière,
représentée par le drapier assis sur son coupon de tissus déroulé
et dévoré par le diable et qui prend pied sur le ventre de l’usurier
(cf. Job 18 :15 et Isaïe 34 :14).
Nous avons sous les yeux un instantané de la société féodale
du XIIe siècle : les trois grandes catégories sociales
sont présentes au Tartare : des clercs (oratores), des chevaliers
(bellatores) et des travailleurs (laboratores). Dans le Tartare
des vivants, les ordres sont séparés, comme le souligne la séparation
du linteau qui porte d'un côté les puissants, avec les empereurs
et l'antipape, et de l'autre les artisans et commerçants. Si le drapier
et l'usurier représentent le négoce et la finance qui accompagnent
la transformation d'une société qui s'urbanise et s'enrichit,
on notera que les paysans, manants ou vilains, à l'exception du chasseur
forban, sont absents de la fresque. Les démons sont pour leur part outillés et utilisent toute sorte d'ustensiles et de procédés mécaniques : des tenailles, des cordes, une poulie, une potence, une fourche, un chaudron et bien sûr tout un arsenal (épées, poignard, lance, arbalète, massue et autres masses d'arme...). Du côté du Tartare des vivants, sont représentés les outils du monde du travail (poinçon, broche...), les armes de guerre et les techniques de l'époque.
UN DEFILE DE MODE
Rien n'est laissé au
hasard : chaque détail porte sa signification. Ainsi, les barbes frisées d'Abraham
et de Melchisédech sont taillées à la mode assyrienne,
marquant une différence archaïsante avec celle des autres personnages
bibliques, comme Moïse ou Aaron plus modernes. Les tenues vestimentaires
enfin : l’artiste du XIIe siècle prend soin de draper
le Christ à l’antique, de vêtir l’ermite Dadon à
la mode du VIIIe siècle et Charlemagne en tunique à la mode carolingienne,
sans oublier le détail de l’équipement du chevalier avec
son armure (la longue chemise en cotte de mailles, le chef encapuchonné
du « chapelier » ou aumusse maillée) typique de
ce temps où l’armement vient de se perfectionner d’une arme
aussi « déloyale et meurtrière » que l’arbalète. (lire également notre page sur le contexte de la fin du XIIe siècle)
![]() La barbe d'Abraham bouclée à la mode assyrienne |
![]() La barbe de Melchisédech taillée à la mode assyrienne |
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![]() Moïse et Aaron |
![]() Le chevalier en cotte de mailles |
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HIC ET NUNC En somme, qu'il s'agisse de la parousie
ou du Tartare-purgatoire, c'est
une représentation du temps présent qui
s'offre à nos yeux. En effet, les Pères de l'Eglise, les
clercs se sont interrogés pour savoir où se trouve le séjour
des morts et quand se place le temps du Purgatoire, de la pénitence
qui mène au Salut. La réponse
n'est-elle pas simplement : ici et maintenant
? Le tympan nous montre le spectacle édifiant d'un monde contemporain livré aux passions, aux pulsions du pouvoir, du savoir et de l'avoir, une société où s'affrontent le pape et l'empereur avec de nouvelles armes meurtrières, et où se développent les hérésies. Mais il est également empreint de cette euphorie collective née de la victoire de la première croisade en juillet 1099. La libération miraculeuse du tombeau du Christ annonçait à coup sûr le retour imminent du Messie. Le vocabulaire employé dans les inscriptions versifiées traduit cette allégresse optimiste collective : LAETVS, GAVDIA, GAVDENTES (réjouie, les joies, joyeux).
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Tisiphone chevauchant les épaules du moine. Survolez l'image pour repérer Tisiphone | Tisiphone fouettant de serpents
torves le moine (peut-être fornicateur) |
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Charon |
Cerbère |
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Les inscriptions latines qui commentent les scènes des deux volets sont rédigées en vers léonins (5). (En savoir plus sur les inscriptions et la versification) Si le style choisi et le rythme scandé expriment le souci de joindre l’élégance à la pédagogie, le choix du vocabulaire exprime la profondeur des sentiments : « Laetus, Gaudia, Pax, Requies », ajoutant à « l’amour des lettres » cette joie et cette paix que procure « le désir de Dieu ».
L’amour des Belles Lettres
engendre la recherche affectée des hellénismes,
jusqu'à inciter Bertram (le fameux moine de Conques, fort disert, auteur des
3ème et 4ème
Livres des Miracles de sainte
Foy) à attribuer à son propre Liber miraculorum le
terme grec de « Panaretos » (l’Ineffable).
Ce même attrait se traduit dans le graphisme des inscriptions du
tympan, où le mot « Christo » est écrit
à la mode grecque (XPISTO) ou encore, pour la
commodité métrique de la versification, le terme grec “demonas”
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Mais, là aussi, cette forme recherchée traduit un souci d’ouverture du monde latin au monde grec, d’autant plus remarquable qu’elle intervient après le schisme de 1054. Ce mouvement d’accueil du monde oriental, déjà sensible par le choix de saint Jérôme « le plus oriental des Pères latins » comme unique représentant des Pères de l'Eglise dans la frise de la marche ecclésiale (voir une illustration) va jusqu’à intégrer un apport islamique soufi, en inscrivant en caractères coufiques fleuris l'espérance universelle (pour ne pas dire œcuménique !) en un jugement miséricordieux, (« La Félicité » ou « la Gloire » ou encore « Aujourd’hui, l’action de Grâce ») sur l'ourlet de la robe de l’ange à l'olifant (Revoir l'illustration). (7) Loin d'être ignares, les moines et les artistes de l'époque romane puisaient leur inspiration à des sources très anciennes et fort lointaines, remontant par exemple à l'Egypte ancienne. En effet, comment ne pas songer au livre des morts égyptien face à la balance de la psychostasie, aux fleurs de lotus qui ornent le soleil du registre céleste ou aux trois ondes qui baignent les pieds du Christ ? Le Goff a signalé que l'imagerie médiévale reprenait souvent des motifs très anciens et venus de très loin (Cf. La Naissance du Purgatoire).
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![]() La psychostasie |
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![]() Fleur de lotus (symbole de renaissance dans l'Egypte ancienne) |
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![]() Les ondes |
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La symbolique de la fleur de lotus mérite quelques explications.
Au sommet du tympan, le soleil et la lune encadrent la croix glorieuse. Ils l’illuminent de leur rayonnement suggéré par une double aura crénelée pour le soleil et par un halo plus pâle pour la lune. L’astre du jour et celui de la nuit portent chacun deux fleurs de lotus, tenues en main tels es rênes d'un char. Ces fleurs de lotus, symbole typiquement égyptien, traduisent la puissance créatrice de la lumière, source de vie, puissance divine, qui transforme l’énergie solaire en fleur de lotus. Jaillies des profondeurs obscures, elles sont le signe d’une naissance et d’une renaissance. Leur représentation deux par deux n’est pas fortuite. Chaque bouquet, chaque couple, signifie l’harmonie du mariage, l’hyménée homme-femme, la hiérogamie homme-Dieu et l'alliance que Dieu a scellée avec les Hommes. Initié au sommet, le thème de la dualité se révèle être une structure majeure, sous-jacente à toute la construction du tympan fondé sur le dualisme du bien et du mal. Ce couple binaire avec sa dialectique constitue la totalité, sinon l'unité, d’un espace-temps, ciel et terre, Tartare et Demeures paradisiaques, Ancien et Nouveau Testaments, Anges et saints, et tous les personnages jumelés. Le signe de gémellité du lotus devient “le symbole général de la dualité dans la ressemblance, et jusque dans l’identité. La gémellité unit les créatures entre elles, et l’ensemble des parties à l’unicité divine Dualité équilibrée, elle traduit l’unité intérieure obtenue par la réduction du multiple à l’un.” (Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Alain Gheerbrant et Jean Chevalier, collection Bouquins, 1997) |
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Le XIIe siècle sera le siècle des Croisades : par trois fois, l'Europe entière, peuples et rois, se mobilise pour la libération du Tombeau du Christ à Jérusalem et la conquête de la Terre Sainte. Il y a une certaine analogie entre le tympan de Conques et les Croisades : en effet, tous les deux posent la question du Salut. L’accès à la vie éternelle ayant été assuré à tous ceux qui mourraient au cours de cette expédition, la croisade devient une sorte de pèlerinage eschatologique qui garantit le salut. |
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UNE ANTHROPOLOGIE TOUJOURS D'ACTUALITE
L’inventaire des personnages et des thèmes représentés au tympan de Conques révèle une anthropologie des plus modernes. En effet, si le terme de Tartare renvoie au substrat culturel antique, son contenu regorge de sujets qui sont toujours d’actualité.
N'y est-il pas question de spéculation financière, de conflit ente les pouvoirs politiques et spirituels, de course aux armements prohibés, de lucre, de sexualité, de science dévoyée, d’avortement, de suicide, de mariage des prêtres, de sectes ? Et l’on voudrait croire que toute ressemblance avec les personnages et les interrogations qui agitent notre société contemporaine soit purement fortuite ?
Les enjeux éthiques, la question des rapports du pouvoir, du savoir et de l’avoir, si clairement posée par le sculpteur du XIIe siècle sont-ils si éloignés des débats qui emplissent notre presse quotidienne ?
Avons-nous vraiment tant de mal à nous reconnaître dans ce miroir qui nous montre un préteur à gage spéculateur avide d’une bourse toujours plus ronde, un manieur d’arbalète, un chevalier déchu, un ventre de femme rebondi plongé dans le chaudron de sorcière, un chrétien qui a renié sa foi sous le baiser amnésique au crapaud, un chasseur inversé rôti par le lièvre inverti, un empereur excommunié au ban des nations, ou un suicidaire s’enfonçant un poignard dans la gorge ?
La hiérarchie des faiblesses humaines n’est-elle pas toujours la même, et leur image symbolique ne garde-t-elle pas toute sa pertinence ?
En contrepoint, les personnages des Demeures* paradisiaques s’adressent tout autant à notre inconscient collectif et/ou individuel. On y trouve entre autres Charlemagne, le père de l’Europe, et toute la saga des Carolingiens à l’origine de la geste épique des romans de chevalerie qui vont enchanter l’occident au cours des siècles, jusqu’au Sacré Graal des Monty Python. On y voit aussi ce qui ressemble fort à un plaidoyer de la « cause des femmes » telle que se la représentaient les moines du XIIe siècle incarnée par trois femmes susceptibles de marquer les imaginations :
- sainte Foy, facétieuse fillette martyre et devenant ainsi prêtre à titre posthume ;
- Marie de Magdala, « apôtre des apôtres » pour les uns et « Marie-Madeleine pécheresse » pour les autres ;
- et enfin, l’archétype universel de la « Mère des Vivants », la Vierge Marie.
Par l'image et le son, rendre sensible l'invisible, tel est l’objectif du tympan.
Oui, par le son même, car pour la première fois dans l'art sacré, l'Ecriture déclamée reçoit part égale avec les figures dessinées : aux 120 personnages et symboles sculptés correspondent 300 paroles orchestrées de vers latins de style léonin. Situé au centre de l'hémisphère, le Christ anime de ses ondes le grand spectacle des œuvres de ce monde, véritable « opera mundi » sur écran géant. Parabole déployée, le tympan saisit les ondes invisibles de l'au-delà et les transmue en images et son pour nos yeux et nos oreilles d'ici-bas.
Emetteur - Récepteur, le tympan était aux hommes du XIIe siècle ce que sont pour nous aujourd'hui, la Radio et la Télévision : reflet de l'actualité, projection d'un état d'esprit vibrant de toutes les aspirations spirituelles de l'homme mis en présence de sa destinée.
Mise en scène comme une pièce de théâtre, la composition représente le triomphe impérial du Christ revenant à la Fin des Temps, vainqueur de la mort- au terme du mouvement parabolique de la Création. En cela, la composition du tympan de Conques supporte la comparaison avec la création d'Adam au plafond de la Sixtine par Michel-Ange.
Le tympan de Conques est donc loin d'être une œuvre “barbare et grossière”, pour reprendre les termes que Mérimée (mais aussi, avant lui, hélas, certains beaux esprits des Lumières ou de la Renaissance) employai(en)t pour qualifier l'expression artistique médiévale en général et romane en particulier. Il incarne plutôt l'acmé d'une civilisation qui allait bientôt sombrer. C'est un chef d'œuvre réalisé par « les hommes de l'époque romane [qui] eurent conscience de vivre un véritable renouveau. Le phénomène affecta la totalité du champ historique, aussi bien la langue, la littérature, les arts plastiques que l'économie et la société, sans omettre les formulations théologiques et la sensibilité psychologique et morale » expliquait Marcel Durliat. (8) Nous vous proposons maintenant de poursuivre sa contemplation par une approche de son esthétique. (suite)
Dernier chapitre : 9) L'esthétique
(1) Cf. les travaux de l'historien Michel Pastoureau (Michel Pastoureau, Bleu, Histoire d'une couleur, Points Seuil). (remonter)
(2) On notera que Charlemagne, placé du côté des élus est revêtu d'un manteau bleu. Ce signe paradoxal pour un empereur est tout à fait inouï et pourrait -à condition que la polychromie actuellement visible s'avère bien contemporaine de la taille du tympan- constituer un indice fondamental pour dater la création du tympan dans le dernier tiers du XIIe siècle, après la canonisation de Charlemagne, par l'antipape Pascal III en 1165, à la demande de l'empereur germanique Frederick Barberousse. Les rois sont traditionnellement vêtus de rouge. C'est pourquoi, Michel Pastoureau, le médiéviste spécialiste de l'histoire des couleurs, déclarait dans une conférence donnée au Louvre sur les couleurs du Moyen-âge : "Charlemagne ne se serait jamais habillé de bleu. Cela aurait été absolument inouï." On notera d'ailleurs que, du côté du Tartare, l'empereur germanique Henri IV est vêtu, lui, d'un manteau pourpre. (voir la vidéo sur la "Révolution bleue" des XIIe - XIIIe siècles). Ce qui était impossible au temps de Charlemagne devient possible à la fin du XIIe siècle, vers 1170, où les moines de Conques ont la géniale intuition du Purgatoire, concept qui émerge à cette époque (Cf. Le Goff). (remonter)
(3) Beaucoup d'armes sont représentées au tympan. Outre Charon et sa massue, les diables utilisent des armes qui parlent à notre imaginaire : on trouve, non seulement une arbalète, mais également une fourche, des cordes, un glaive, une broche, des tenailles, un poignard, une hache, une masse d'arme, une pioche, des boucliers, une lance et un filet. Tout un arsenal destiné à impressionner le pécheur incité par de tels arguments à réformer ses mœurs. La présence de l'arbalète, arme déloyale condamnée au concile de Latran en 1139, pourrait constituer un indice en faveur d'une datation tardive du tympan, pour le moins postérieure à cet anathème. (remonter)
(4) « Les moines parlent en images et en comparaisons qui sont empruntées à la Bible, et qui comportent en même temps une obscurité propre au mystère qu'il s'agit d'exprimer. » Dom Jean Leclercq, l'Amour des lettres et le désir de Dieu, Cerf, 2008, p. 189. (remonter)
(5) Imprégnés de culture classique, lecteurs de Vitruve, de Quintilien, de l’Ars Memoriae de Cicéron, voire des comédies de Plaute, les moines du XIIe siècle ont inscrit leur pensée dans des schémas intellectuels hérités, non seulement de la pensée des Pères de l’Eglise, mais aussi de l’antiquité gréco-romaine. « La vie intellectuelle de ce temps est marquée par la fascination des origines, celle de Cicéron et de Virgile, le souci de la bonne latinité. L’Eglise ne restera pas à l’écart de ce mouvement. » André Vauchez, La Spiritualité au Moyen-âge Occidental, Seuil, p. 74. Voir aussi la page des inscriptions. (remonter)
(6) Voir les travaux de François De Coster, Pour une relecture des inscriptions du tympan de l'abbatiale de Conques, Etudes Aveyronnaises 2010, p. 308. Le bénédictin et excellent médiéviste Dom Jean Leclercq a souligné l'influence exercée par Origène, père de l'Eglise, d'origine grecque, notamment au XIIe s. : « On peut constater qu’à chaque époque et dans chaque milieu où il y eut un renouveau monastique, on assiste à un revival d’Origène. Ceci est vrai de la réforme carolingienne ; c’est encore plus net, en tous cas plus facile à constater, au sujet du renouveau monastique du XIIe siècle. (…) Le renouveau origénien du XIIe siècle coïncide avec le renouveau monastique auquel est relié le nom de Saint Bernard » (Dom Jean Leclercq, L’Amour des Lettres et le Désir de Dieu, Cerf, 2008, p.93) (remonter)
(7) Jean-François Faü en a souligné le caractère hautement élaboré : “L'inscription gravée est reproduite sur tout le galon de façon répétée, de droite à gauche conformément à la graphie arabe, puis de gauche à droite suivant un mode de présentation qui se retrouve sur certaines monnaies d'époque fatimide” et il en a souligné les aspects caractéristiques du style calligraphique fleuri hispano-omeyade du XIe siècle ornant les hampes des aleph et lamed de motifs végétaux stylisés. “Ce mode d'expression plastique illustre l'évolution d'un art islamique en pleine possession de sa technique” (Jean-François Faü, A propos de l'inscription en caractères coufiques sur l'ange sonneur d'olifant au tympan de Sainte-Foy de Conques, Cahiers de Conques n°1, Centre Européen d’Art et de Civilisation Médiévale, 1995, p. 67-70.) (remonter)
(8) Marcel Durliat, L'art roman, Citadelles et Mazenod, 1982. (remonter)
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